Le poste de président du Groupe La Poste était comme qui dirait déjà prédestiné à Philippe Wahl. En plus d'avoir été patron de la Banque postale, ce dernier était camarade de promotion de Pierre Moscovici à l’ENA. A retenir entre autres son soutien affiché à François Hollande lors de la présidentielle…
En même temps, rappelons que Paul Bailly, son prédécesseur, l'avait désigné comme son second au moment de son départ. Philippe Wahl n'a pas manqué de mettre en avant son attachement au service public en faisant valoir sa position de petit-fils de deux grands pères cheminots. Cela contribuerait à l'intégrer sans trop de difficulté dans la première entreprise de France avec l’effectif de 260.000 salariés. C'était certainement aussi pour lui une manière de détourner l'attention par rapport à son statut de banquier, auparavant avec Paribas et récemment avec la Royal Bank of Scotland (RBS).
Le chantier qui l'attend n'en sera pas tout autant gérable. Le recul du nombre de courriers ainsi que la fermeture de certains bureaux entraînant par la même occasion une réduction d'effectifs ne sont que des exemples de la délicatesse de la situation dans laquelle se trouve l'entreprise. Ce n'est donc pas étonnant qu'un certain mépris soit lancé à l'égard du nouveau directeur auquel le rythme de vie serait a priori difficilement conciliable avec tous ces défis qui attendent. Cependant, un point a bien été rendu clair à la CGT. Voici ce qui a été rendu mot pour mot: "La personnalité de l’homme ne nous intéresse pas, seules ses décisions stratégiques nous importent".
Frissons gauchistes
Bien qu'il se range plutôt du côté sage parmi les partisans de gauche, il n'a jamais manifesté le moindre mépris pour les postures gauchistes en tant qu'étudiant en sciences po durant les années 70. Au contraire était-il de ceux qui montaient volontiers sur les tables pour lancer un appel à ses compères et arborait en plus une coiffure afro. C'est d'ailleurs à cette époque-là que ses sentiments amoureux à l'égard de Sylvie Schwob, celle qui est devenue sa femme, sont apparus. Notons qu'elle est actuellement DRH chez Sanofi. François Hollande, qui a dirigé après lui l’Unef, le syndicat étudiant étroitement lié au Parti communiste, fait partie de ceux dont il a fait la rencontre à cette période de sa vie. Il avait suivi le même cursus universitaire à Assas, se démarquant par son encadrement par des appariteurs le protégeant contre un groupe d'extrême droite, le GUD, décidé à lui faire la peau.
Tour à Pierre Bérégovoy
La mise en place de la CSG lui a été confiée par Michel Rocard après son recrutement à Matignon en 1989. Rien n'était joué car d'un côté, si le premier Ministre misait dessus en tant que mesure phare, Pierre Bérégovoy de l'autre côté, s'y opposait fortement. Les méfaits de cette taxe sur le travail et le capital étaient ce qui l'avait rendu intraitable sur le sujet. En charge alors de trouver le moyen de faire passer la pilule, Philippe Wahl eût l'ingénieuse idée de l'inclure dans la loi de Finances. A partir de là, elle est devenue incontournable pour "Béré". Ce dernier avait toutes les raisons de s'en méfier sachant qu'aujourd'hui la CSG qui était auparavant de 1,1 atteint 7,5% pour les salariés. Comparativement avec l'impôt sur le revenu, l'apport qu'il représente équivaut à 30 milliards de plus.
Le ménage chez Havas
L'intervention de Philippe Wahl au sein de Havas en 2005 éveille toujours la curiosité. C'est commandité par Vincent Bolloré dont la proximité avec Nicolas Sarkozy est assez connue, qu'il l'intègre. Sa mission? Faire en sorte d'écarter à moindre frais certaines personnalités importantes, tenant les postes de dirigeants au niveau du groupe de publicité. Parmi eux citons Alain Cayzac, le numéro 2, ou Jacques Hérail, son directeur financier. Ce qu'on leur reprochait? Une vie trop aisée au détriment du groupe. Fiasco total car aucun des 21 procès contre ces anciens d'Havas n'avait été gagné. Résultat, seulement neuf mois après avoir pris ses fonctions, le directeur général placé par Bolloré a été retiré par celui-ci.
L'épisode qui fait tache
C'est d'après lui motivé par une certaine curiosité qu'il se met à la direction générale de la Royal Bank of Scotland en 2007. Il s'agit pourtant d'une des banques les plus douteuses d'Europe. Plusieurs choses peuvent lui être reprochées. Cela inclut les subprimes, CDS et en outre la manipulation du taux interbancaire comme il l'a été dernièrement mis en lumière. Aucun acte répréhensible n'aurait échappé à cette banque y compris le fait d'acquérir ABN Amro. Cette dernière qui a par la suite été sauvée de la faillite par voie de nationalisation. La question se pose concernant la connaissance ou non de toute cette situation par le banquier. A côté, on sait en effet qu'en 2008, la Belgique et surtout le Luxembourg figuraient aussi dans sa ligne de mire.
D'après les explications du concerné, sa tâche s'arrêtait à la gestion de la fortune des milliardaires britanniques. A part cela, consentir des crédits s'évaluent à plusieurs milliards d’euros à des géants comme Danone lui est aussi imputable. Quoiqu'il en soit, il a admis ne pas avoir empêché la vente des prêts toxiques aux collectivités locales.
Exigence salariale atypique
Sa tendance exacerbée à se faire rémunérer toujours un peu plus bas ne se retrouve chez un businessman en tant que tel. Comparé à son salaire de directeur général de la RBS, celui qu'il a accepté de percevoir après avoir répondu positivement à la proposition de Jean-Paul Bailly présentait une différence de 270 mille euros. En effet, il avait consenti les 830 000 euros pour diriger la filiale bancaire alors qu'il touchait 1,1 million d'euros à son précédent poste. Il affirme aujourd'hui que ce pari l'avait enthousiasmé. C'est dix-huit mois plus tard, quelque temps seulement après l'élection de François Hollande à la présidence que Wahl se retrouve encore à faire des concessions concernant le montant de son salaire. Le fait est que son ancien compagnon de fac avait fixé à 450 000 euros par an les revenus des patrons du secteur public. Est ce que cela l'a froissé ? En aucun cas. Au contraire, il a tenu son engagement à la maison mère sans changement de tarif.
Grande capacité d'anticipation
On parle de son savoir-faire quand il s'agit de déjouer les pièges appuyés par certains épisodes où il a fait ses preuves. Le cas de Dexia en 2011 en est un exemple notable. Alors que le milieu bancaire espérait une reprise de tout ce qui restait de celle-ci après son effondrement, Phillipe Wahl s'en était uniquement tenu à garder le service public de financement des collectivités locales plus une centaine de commerciaux. Sa déclaration à François Baroin était plus qu'explicite quand il avait dit : " Les 80 milliards d’emprunts toxiques et autres actifs dépréciés ne sont pas pour nous." Il avait en outre formulé à l'égard de Pierre Moscovici : "C’est comme au judo, il faut détourner à son profit la force de l’adversaire."
Rupture managériale
Son côté dynamique est largement apprécié des syndicalistes ce qui n'était pas le cas de celui qu'il a remplacé : Jean-Paul Bailly. Il a d'autant plus l'avantage d'être direct. On se rappelle de ce drame préjudiciable à l'entreprise qu'il n'avait pas hésité à reconnaître comme impliquant la responsabilité de l'entreprise. C'était en 2013, année marquée par le suicide d’un agent. La famille de ce dernier a été rapidement contactée par ses soins.
Une propriété extravagante en Corse
Non loin de la propriété de l'ancien P-DG d’Air France, Philippe Wahl a aussi lsa propre villa à Campomoro, dans le sud de la Corse.
Une ambition pour le réseau postal
Il ne compte pas moins innover avec ses imprimantes 3D dont le lancement a déjà commencé au niveau de 3 bureaux de poste. Une des solutions au service de la revalorisation du réseau.
Un film pour une conscience tranquille
On a du mal à ne pas faire un lien entre son affection pour le film "Inside Job" et le fait qu'il a déjà travaillé à la Royal Bank of Scotland. Ce film très critique sur la finance peut en effet susciter davantage la réflexion et éventuellement la compréhension.
Une amitié avec Moscovici
Déjà ami avec Pierre Moscovici depuis l'ENA, la relation des deux hommes se poursuit encore aujourd'hui sachant que celui-ci est actuellement son ministre de tutelle.
Un appel pour servir la poste
En conseil d'administration, à l'occasion de son intronisation en tant que PDG, il avait rappelé non sans une pointe d'émotion que sa marraine était guichetière dans un bureau de poste de Sarralbe. Il s'agit de sa ville natale se trouvant en Moselle. Cela fait penser à une prédestination, une vocation.
Une fidélité à son rocker préféré
Depuis son adolescence, il est fan de la star de Rock n' Roll Bruce Springsteen. Cela n'a pas du tout changé puisqu'il n'a pas raté l'occasion d'assister à son concert au stade de France au mois de juin dernier.